textes des lascars du LEP Électronique

On peut retrouver un film des Lascars ici

 

ON A VOULU NOUS RENDRE CONS……C’EST RATE.

 

Nous avons commencé à débrayer quand le bruit du mouvement étudiant est parvenu jusqu’à nous. Tout d’abord, nous n’avons pas bien saisi. Contre quoi se battaient le étudiants ? Nous ne la savions pas. Mais ils se battaient contre….quelque chose et ça nous plaisait bien.

Nous sommes descendus dans la rue pour rompre la monotonie de l’école et parce que nous aussi étions violemment contre…quelque chose ! Mais quoi ?

Quand nous sommes descendus dans la rue nous y avons amené tout ce que nous aimions bien dans le bahut, nos amis, nos copains, la rigolade, la joie et l’amitié.

Nous-nous sommes parlé comme jamais nous ne nous étions parlés, et ça nous a vachement plu. Le lycée ça n’était donc pas les murs, ça n’était pas le programme ? C’ETAIT NOUS ! TOUS ENSEMBLE !

En parlant, en courant, en réfléchissant, en discutant vite, très vite, nous avons compris beaucoup de choses.

Les étudiants se battent contre la loi Devaquet qui aggrave la sélection à l’Université où nous n’irons jamais ! Mais la sélection on connaît ! On a déjà donné ! très tôt, des gens « intelligents » nous ont orientés vers les filiales courtes, les LEP. en nous faisant bien sentir qu’on était incapables de faire autre chose et qu’après l’école ce serait ( si nous trouvions du travail) encore pire. Il parait que nous, c’est la Loi Monory qui nous « concerne » et qu’elle aussi elle sera pire.

Pire que quoi ? Comment ? On voit pas très bien !

De toute façon cette Loi on a pas besoin de la connaître pour la refuser !

Car nous ne voulons plus de ce qu’on a qui est misérable, et c’est pas pour en demander plus, ni moins. Plus de quoi, moins de quoi ! Qu’est-ce que ça change ? Etre plus rentable pour ceux qui nous feront trimer ? Merci bien !

ÇA NE NOUS INTÉRESSE PAS. TROUVEZ AUTRE CHOSE !


Nos professeurs nous entretenaient (sans conviction) dans l’illusion que nos diplômes, à condition que nous soyons travailleurs, ponctuels, attentifs, consciencieux, nous donneraient une place, oh pas merveilleuse, mais enfin une place tout de même ; que nos études conditionneraient notre place dans le monde du travail .

« Il nous semble plutôt que c’est notre travail futur
qui conditionne déjà nos études ».

ÇA PROMET !


Nous on pensait s’en tirer autrement, par la musique, les voyages, le théâtre, l’amitié, tout ça…. ; qu’on se débrouillerait, sans trop savoir comment, pour y échapper, en attendant on se taisait pour pas les vexer, les contrarier…mais aussi parce qu’on voyait bien, au fond, qu’on était coincés, seuls, isolés.

Maintenant on sait : ça n’était pas un problème personnel, individuel.

C’est notre problème à tous !


En refusant passivement hier, activement aujourd’hui, l’école ; c’est le travail et la vie de con qu’on nous a gentiment préparée que nous refusons !

Nous discutons, nous réfléchissons, nous rigolons bien,
MAIS NOUS SOMMES TRÈS SÉRIEUX !

 

Vous avez failli nous avoir, c’est raté !

On a entrevu autre chose. On va foncer. Ca va chier !

(DES LASCARS DU LEP ELECTRONIQUE 1986)

 

Tout ce qui est critiquable doit être critiqué

NOUS CRITIQUONS !

ETUDIANTS, hier nous étions dans la rue avec vous mais autant vous le dire tout de suite, la réforme 2 Paquets on s’en fout ! Pour nous la sélection a déjà joué. L’Université nous est fermée, et nos CAP, nos BEP nous mènent tout droit à l’usine après un petit tour à l’ANPE.

Pour nous la loi 2 Paquets est inutile :
Nous critiquons l’Université.
Nous critiquons les étudiants.
Nous critiquons l’école.
Nous critiquons le travail.

L’école nous donne les mauvaises places. L’Université vous donne des places médiocres. Ensemble critiquons-les ! Mais ne nous dites pas : il faudra toujours des balayeurs, des ouvriers, ou alors allez-y les gars, ces places-là on vous les abandonne de bon cœur, vous gênez-pas !

ON N’EST PAS PLUS BETES QUE VOUS, ON N’IRA PAS A L’USINE

Si vous critiquez la loi 2 Laquais qui ne fait qu’empirer une situation mauvaise, vous n’avez rien compris !

Du reste votre situation n’est pas de beaucoup meilleure que la notre. Une bonne partie d’entre-vous (60% parait-il) abandonnera ses études avant le Deug ; et ces mauvais étudiants auront droit aux même boulots subalternes et mal payés qui sont notre lot. Et quant aux bons étudiants qu’il sachent que les places moyennes qu’ils auront (les bonnes c’est pas à l’Université qu’on les trouve) ont beaucoup perdues de leur prestige et de leur pouvoir. Aujourd’hui un médecin n’est plus un MONSIEUR, c’est un employé de la sécu. Et qu’est-ce qu’un professeur, un avocat ? Il y en a tant… !

ETUDIANTS, si vous critiquez seulement la loi 2 caquets et pas l’Université, vous vous battrez seuls et la loi passera d’un coup ou par petits bouts, vous L’AUREZ DANS L’CUL ! Et, si par hasard elle ne passait pas alors tout serait comme avant et la moitié d’entre vous se retrouverait dans les bureaux, vos usines aseptisées.

ETUDIANTS c’est vous qui êtes appelés à gérer cette société et nous à la produire.

SI VOUS BOUGEZ, SI NOUS BOUGEONS, TOUT PEU BOUGER.

Mais si vous voulez seulement jouer les apprentis Tapie, si vous voulez seulement gérer loyalement cette société et devenir à moindres frais, éducateurs, assistantes sociales, animateurs, inspecteurs du travail, cadres, sociologues, psychologues, journalistes, directeurs du personnel ; pour demain nous éduquer, nous assister, nous animer, nous inspecter, nous informer, nous diriger, nous faire bosser…

ALLEZ-VOUS FAIRE FOUTRE !!!

Mais si vous voulez, pour commencer, critiquer le système scolaire qui nous exclut et nous abaisse, si vous voulez lutter, avec nous, contre la ségrégation sociale, contre la misère, la vôtre et la nôtre, alors…

FRERES (SŒURS) AVEC NOUS, ON VOUS AIME !

DES LASCARS DU ELECTRONIQUE
décembre 1986

 

Professeurs, vous nous faites vieillir ! (Les lascars du LEP électronique)

Depuis le temps que vous vouliez qu’on se parle et qu’on se taisait, cette fois on va parler. On sait bien que pour la plupart d’entre vous, vous voulez simplement nous aider. Chacun à votre manière, vous avez tout essayé. Vous avez été sévère, laxiste, patient, impatient, prévenant ou lointain ; vous avez réfléchi, discuté entre vous, avec nous, avec l’administration.

Vous nous avez dit tellement de choses, nous on disait rien ou si peu, on se taisait, on souriait. Vous nous disiez : chez moi ça rigole pas on travaille, ou bien ici on rigole mais on bosse, ou bien si vous ne faites rien ne dérangez pas vos camarades qui eux… ou bien faites un effort ! ou bien Monsieur Untel vous croyez qu’au travail vous pourrez arriver en retard ? ou bien ah c’est toi va t’asseoir, ou bien répondez ? personne ne sait ? ou bien en dix ans de carrière je n’ai jamais vu ça ! ou bien si vous avez un problème passez me voir à la fin du cours, ou bien allez-y posez des questions ! et aussi j’ai une fille de votre âge, on se tait quand je parle, Messieurs, prenez une feuille, répétez ce que je viens de dire, allez me chercher un billet, je vous préviens avec moi ça ne sera pas comme avec Monsieur Machin.

Et bien si ! C’est pareil, vous avez tout essayé ça n’a rien changé. Vous nous avez soutenus au conseil, vous avez vu nos parents, vous vous êtes dit : et si c’était mon fils, vous avez travaillé, recommencé, préparé des cours, des visites, des stages, des exposés, des sorties, on a bu des cafés ensemble, vous avez fait grève, vous avez gueulé, pleuré peut-être, ça n’a rien changé.

Années après années, nous étions avalés par le laminoir social, les élèves que vous avez sauvés, vous les portez comme des décorations, elles sont méritées, quel boulot pour chacun d’eux ! Mais c’est pas possible pour tout le monde !

Le problème c’était pas nous, c’était pas vous, c’est tout le reste !

Vous le saviez, bien sûr, mais vous croyiez que c’était inévitable. C’est pas l’échec scolaire qu’on vous reproche, c’est d’avoir accepté trop longtemps et essayé de nous faire accepter un état de choses, des gens et des rapports entre les gens inacceptables.

Pour vous nous sommes des gars à problèmes ; vous nous plaignez par avance comme si votre vie était merveilleuse ! On voit bien, quand vous tirez la tronche, que vous aussi vous vous faites chier.

Vous dites : et vous-mêmes qu’avez-vous fait pour vous ? Justement par notre activité présente nous critiquons notre passivité d’hier. Vous dites vous êtes injustes, nos vies ne sont pas tristes, nous ne sommes pas soumis, nous voulons vous aider ! Prouvez-le ! Vous voulez nous parler ? Nous ne vous entendons pas très bien, nous sommes déjà loin, rapprochez-vous, sinon dans huit jours vous ne comprendrez plus rien. Avant, notre passivité était votre excuse. Plus maintenant.

VOUS NE POUVEZ PAS NOUS AIMER : NOUS DISONS LA VÉRITÉ. Celle qui est au fond de votre cœur, qu’il y en a marre des rapports hiérarchiques, séparés, marre des vies étriquées. Vous n’osez pas y croire, vous n’osez pas le dire. Pourtant c’est là. Professeurs, c’est là qu’il faut sauter. Si vous lâchez, si vous flanchez, si vous trahissez… rien, on ne dira rien. Nos regards parlerons pour nous. Ils sont implacables, vous le savez bien ! Vous serez jugés par vous-même, vous ne vous en relèverez pas. Venez discuter avec nous sur un plan d’égalité.

VOUS NE POUVEZ RIEN FAIRE CONTRE NOUS, NOUS VOUS EMPÊCHONS DE VIEILLIR

Des lascars du LEP électronique